Retour à l'accueilPour que nous n'ayons pas fait tout ça pour rien ! Le verdict des urnes est tombé, sans appel. L'élection de N. Sarkozy, quoi qu'on en pense, est acquise dans un cadre de grande mobilisation électorale, sur la base d'une confortable majorité. Pour autant, la défaite de Ségolène Royal, et à travers elle, celle des socialistes, dans un contexte électoral difficile, n'a rien de déshonorant. Après le traumatisme de 2002, de sinistre mémoire, le pari de beaucoup était que nous ne nous qualifierions peut-être même pas pour le second tour. Et pourtant, l'issue du premier tour comporte déjà des enseignements intéressants, ne serait-ce que le score de notre candidate, supérieur de 2 points à celui de L. Jospin en 1995. Aux côtés des 23,24% de Jospin, la gauche radicale rassemblait alors 17.39% des suffrages quand en 2007, elle n'en rassemble plus que 10.35 à 10.70% offrant ainsi un réservoir moins dense aux 25.74% de Ségolène Royal. Sans aucun doute, dans le fort contexte de mobilisation de cette dernière élection faut-il s'interroger sur la dissolution de cet électorat. Le vote « gauche radicale » en s'amoindrissant à ce point traduit-il une véritable perte d'influence et un ralliement de son électorat à une approche plus pragmatique des grandes questions sociales et économiques ou n'est-il que le fruit d'un réflexe de vote utile qui aurait alors conduit ces électeurs protestataires vers Ségolène Royal ? En tous cas, la question de la persistance de l'extrême gauche et de la gauche radicale est posée, singulièrement. Quasi symétriquement à ce phénomène, un autre s'est dessiné en faveur du vote Bayrou qui nous a privé de nombre de nos électeurs séduits par l'illusion centriste. Sur notre gauche comme sur notre droite les lignes ont bougé et c'est une dimension de ce scrutin qui doit nous interpeller quant aux positionnements du mouvement socialiste. Les réponses, toutes faites, du coup de barre à gauche ou, à l'opposé, du recentrage, sont à ce stade, sans doute aussi peu opérantes qu'elles sont éculées. Au bout du compte et face à un candidat qui n'aura reculé devant aucune forfaiture idéologique en lepènisant radicalement la droite française ce qui lui a permis de siphonner littéralement l'électorat d'extrême droite ; face à une campagne populiste au cœur de laquelle le mensonge et le culot furent érigés en credo politique, la gauche socialiste -et sa candidate- n'est jamais parvenue complètement à donner d'elle l'image crédible du renouvellement. Si l'on ajoute à cela les procès en incompétence de la candidate, qui remontent à loin dans le dispositif de campagne, et la misogynie des élites politiques conjuguée à celle des électorats conservateurs de gauche comme de droite, la sauce électorale manquait considérablement de liant. Et c'est véritablement ce qui doit nous interpeller. La défaite de Ségolène Royal est déjà celle d'un camp qui n'a pas su opérer les mutations indispensables, celle d'un camp qui n'a pas su se rénover et, partant, a offert à son adversaire le bénéfice de l'affichage des « modernes ». C'est une défaite sans conteste, mais ce n'est pas une défaite sans honneur. On peut gloser sur les responsabilités ; c'est un sport national chez les socialistes. Mais il n'est pas question de jeter le bébé avec l'eau du bain. Ségolène a mis à son crédit une campagne de qualité qui a eu pour effet de faire se réapproprier le débat politique par les citoyens, ce que nous avions déjà commencé à faire lors de la campagne sur le referendum constitutionnel européen et qu'elle a su amplifier en l'érigeant en méthode politique. C'est un acquis considérable qu'il n'est pas question de passer par pertes et profits parce qu'il a permis de faire, en trop peu de temps certes, une bonne partie du chemin que nous avions omis de faire. Malheureusement, ce cheminement-là ne s'est pas appuyé d'emblée sur l'affirmation d'une ligne politique cohérente. Tout le travail préalable de rénovation idéologique, de rénovation méthodologique, de rénovation des pratiques politiques qu'on a soigneusement escamoté, depuis le traumatisme de 2002, en favorisant de mous consensus internes pour préserver des équilibres improbables, nous a cruellement fait défaut. Pour autant, la contribution de cette campagne à la rénovation de la vie politique et de ses pratiques est loin d'être négligeable. Elle n'a pas débouché sur la victoire et nous sommes nombreux à le regretter amèrement. Mais cette amertume ne se noiera pas dans l'oubli. Le combat politique est loin d'être terminé et il nous reste à écrire encore bien des pages de notre histoire commune. En s'affranchissant du dogme du projet, Ségolène Royal a mis au cœur du débat quelques-uns des éléments désormais incontournables de la rénovation. Elle a su mettre des mots et des propositions sur des questions que ni la synthèse du Mans, ni le projet socialiste n'avaient su considérer suffisamment, par exemple: -la révolution démocratique qui passe autant par la réforme institutionnelle et la 6ème République que par la citoyenneté d'entreprise et la revalorisation du dialogue partenarial; -la mutation des politiques sociales qui doivent sortir de l'impasse de l'assistance au profit des stratégies dynamiques du donnant-donnant; -la priorité à l'écologie politique et l'excellence environnementale qui place le développement durable en outil de croissance économique plutôt qu'en charge contrainte ; -l'émergence de nouveaux outils de régulation économique et fiscale qui protègent face aux effets de la mondialisation ultra-libérale, aux ravages dévastateurs des profits banquiers et qui impulsent aussi des dynamiques de croissance ; -la reprise en compte des problématiques de sécurité et l'affirmation de politiques conciliant prévention et fermeté ; -la relance d'un projet européen volontariste d'harmonisation sociale et la mise en œuvre d'une nouvelle gouvernance économique. Méthode et propositions, tout cela a fait se lever bien des espoirs, en particulier auprès de ceux qui s'étaient détournés ou qui ne s'étaient jamais intéressés à la politique, parce qu'ils ont eu le sentiment vrai que leur parole était soudain devenue audible. Ce ne fut, à l'évidence pas suffisant pour construire la victoire espérée. Le temps n'est pas aujourd'hui à pousser sur le fond l'analyse des causes et des conséquences. L'urgence et l'actualité sont à l'élection législative. Toutes nos énergies sont mobilisées par cet objectif parce que nous avons l'ardente obligation d'envoyer au Parlement le plus grand nombre de députés socialistes. Ensuite seulement, nous prendrons le temps de l'introspection et il faudra bien enfin que nous allions au bout de l'analyse, non seulement de notre échec collectif du 6 mai 2007, mais aussi de celui du 21 avril 2002, parce que l'un ne se délie pas de l'autre. Beaucoup déjà, sans attendre, se revendiquent aujourd'hui de la rénovation. Tant mieux ! Mais il faudra bien que cette rénovation ne soit pas qu'un slogan dans l'air du temps et les rénovateurs auront la lourde tâche d'accorder leurs actes à leurs discours. Ségolène Royal, dans sa campagne, a ouvert des voies et elle peut, jusqu'alors, s'enorgueillir de la cohérence de ses actes et de ses paroles : en refusant, malgré les incitations, de briguer un nouveau siège de député, elle restera fidèle à son refus du cumul des mandats. La rénovation du Parti se fera-t-elle demain dans son sillage ou dans d'autres ? nous verrons bien. Ce qui est sûr en tous cas, c'est que les rénovateurs sortis du Mans tiendront leur place dans cette nouvelle entreprise enthousiasmante, pour que nous n'ayons pas fait tout ça pour rien.
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